Comment les cultures d’entreprises toxiques favorisent le burnout ?
Introduction
Cet épuisement professionnel qui peut affecter tant de travailleurs, est souvent le résultat de cultures de travail toxiques. Ces cultures, caractérisées par un stress excessif, un manque de reconnaissance et des pratiques organisationnelles malsaines, ont un impact dévastateur sur la santé mentale des employés. Mais comment transformer ces cultures pour prévenir le burn-out et favoriser le bien-être au travail ?
1. Facteurs expliquant l’augmentation du burnout professionnel
– L’hyper connexion et les NTIC
Plusieurs facteurs expliquent que l’épuisement et le surmenage conduisent aujourd’hui à de graves conséquences. (nouvelles technologies d’information et de communication) n’est certainement pas absente des causes de ce phénomène. Avec les NTIC, la porosité entre le travail et le repos n’est plus seulement psychique, elle est devenue physique : le travail s’introduit physiquement dans l’espace privé ! Une frénésie s’est emparée de notre époque et donc aussi du monde du travail. Nous vivons au-dessus de nos moyens individuels physiques et psychologiques,
Nous voilà tous hyperconnectés dans tous les secteurs de notre vie, au travail aussi, la frontière entre notre vie privée et notre vie professionnelle étant du coup devenue totalement perméable si ce n’est même invisible. Le rythme des machines électroniques est devenu un voleur de vie.
Cependant, si le phénomène « burnout » peut être en partie imputé aux NTIC, ce n’est probablement pas le facteur décisif.
Nous savons que la santé physique est liée aux conditions de travail (exposition au bruit, température, ergonomie …). La santé mentale est, elle, liée à l’organisation du travail et le facteur qui explique l’éclosion du phénomène « burnout » tel que nous le connaissons, c’est le tournant gestionnaire que nous avons vu se produire à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
– La financiarisation
Autrefois, l’organisation du travail était la particularité des ingénieurs : ingénieurs des méthodes, ingénieur en organisation, ingénieur de conception, … Les ingénieurs avaient un vrai intérêt pour la question de l’organisation du travail. La matérialité du travail les passionnait. Quand il y avait des difficultés dans le travail, il était possible de négocier avec les ingénieurs : ils connaissaient le moindre rouage de l’organisation et savaient ce qui était possible pour retrouver un compromis vivable.
Lors du tournant gestionnaire, les ingénieurs ont perdu le pouvoir et ont été remplacés par les gestionnaires, qui ne connaissent rien de la matérialité du travail et ne veulent rien en savoir. Les gens qui aujourd’hui dirigent les entreprises ne connaissent pas le travail. Les écoles de commerce et même aujourd’hui les écoles d’ingénieur, forment des gestionnaires qui ne connaissent plus le travail. La fonction financière et les systèmes d’information deviennent incontournables et le directeur administratif et financier devient le personnage central avec ses contrôleurs de gestion, ses analystes financiers et les outils techniques qui sont les leurs. Pour atteindre les objectifs financiers fixés, une nouvelle bureaucratie managériale impose ses outils de traduction du travail réel en données chiffrées avec la puissance de calcul gigantesque que permettent les nouvelles technologies informatiques.
Nous nous retrouvons « dans une gouvernance par les nombres » (Alain Supiot), qui se traduit concrètement par l’évaluation individuelle des performances, la qualité totale, la précarisation / la flexibilité de l’emploi, et la normalisation / standardisation, … dont l’ordinateur est le vecteur idéal.
– Le manager d’objectif n’est plus un manager de métier
qui vient en soutien aux difficultés du salarié sur le terrain. Il ne connaît du travail que la partie émergée de l’iceberg, ce qui se voit, les objectifs et la productivité du salarié. Le salarié confronté au réel des tâches à accomplir est renvoyé à sa solitude.
On constate que la finance n’est plus une ressource pour réaliser les objectifs économiques mais devient l’objectif lui-même. L’atteinte du résultat financier est le but que se donne l’organisation, cela devient sa raison d’être.
– L’apparition de l’évaluation individuelle
Autre élément contribuant au développement du burnout, est l’apparition de l’évaluation individuelle, il y a eu une perte de la coopération verticale. Là où le supérieur hiérarchique était auparavant un soutien, un recours, il est devenu un agent de contrôle, de surveillance qui ne veut plus voir que des tableaux de chiffres. Le chef, lui-même soumis à une hiérarchie dont il ne peut attendre que des reproches, devient un danger. Les managers ne managent plus le travail, mais les objectifs à atteindre..
Un autre effet est que les salariés sont mis en concurrence entre eux (en plus de la concurrence déjà présente entre départements, équipes, entreprise, …). Autrefois quand une personne recevait un prix, c’était toute l’équipe qui était reconnue, il y avait un vrai esprit d’appartenance et de fidélité.
Aujourd’hui avec l’individualisation des performances, on voit apparaître des pièges tendus entre collègues, de la rétention d’information… En effet si mon collègue a des meilleurs performances que moi, il devient une menace pour moi et mon avenir. Face à la surcharge de travail, face aux cadences, face aux réprimandes, personne ne bouge, chacun est seul. Il n’y a plus d’espace permettant de réfléchir collectivement à la répartition de la charge de travail.
– La reconnaissance, sous-estimée par l’organisation du travail
La reconnaissance se définit comme « la rétribution symbolique que nous attendons en retour de ce que nous apportons au travail ». Nous attendons la reconnaissance de ce que nous donnons au travail, corps et âme !
En contrepartie de la contribution qu’un salarié apporte à l’organisation du travail, il attend une rétribution. Pas simplement un salaire mais aussi de la reconnaissance. La reconnaissance de la qualité du travail accompli est LA réponse aux attentes subjectives quant à l’accomplissement de soi. La reconnaissance passe aussi par l’utilité du travail demandé. L’utilité sociale, économique ou technique du travail contribue au sentiment de reconnaissance.
Le besoin d’avoir des retours sur le travail fait dans les règles du métier, conforme et bien fait vient renforcer son appartenance à un collectif de travail et alimente ce besoin de reconnaissance.
L’organisation du travail, attend que les travailleurs exécutent la tâche telle qu’elle est prescrite.
Quel que soit son métier, on y met quelque chose de Soi. Ainsi, à travers la question de la reconnaissance de notre travail, se jouent notre identité et notre santé.
Ce peu d’exemples suffisent à démontrer comment l’organisation du travail et les conditions de travail ont un lien direct avec le phénomène « burnout ». Pour plus de détails sur ces analyses, se reporter aux ouvrages de Christophe Dejours : « Travail, usure mentale » (2015), « Psychopathologie du travail » (2016), « Le choix, souffrir au travail n’est pas une fatalité.(2015)
2. Conseils pratiques pour la prévention du Burnout au sein des organisations
– Identifier les facteurs de risque
La première étape pour prévenir le burnout est d’identifier les facteurs de risque au sein de l’entreprise. Cela inclut les situations de travail excessivement stressantes, les charges de travail démesurées, le manque de contrôle sur les tâches, les conflits interpersonnels, le manque de soutien social, etc. La reconnaissance de ces facteurs est essentielle pour prendre des mesures appropriées.
– Promouvoir une communication ouverte
Une communication ouverte entre les employés et la direction est cruciale. Les employés doivent se sentir à l’aise pour exprimer leurs préoccupations, leurs frustrations et leurs besoins. La direction doit être à l’écoute des employés et prendre les mesures appropriées pour résoudre les problèmes.
– Améliorer la reconnaissance et la valorisation
Le manque de reconnaissance au travail est l’un des facteurs de risque clés du burnout. Instaurer des pratiques de reconnaissance et de valorisation des employés, par des retours positifs, des récompenses ou des opportunités de développement professionnel, est essentiel. Les employés doivent sentir que leur contribution est appréciée.
– Favoriser l’autonomie
Donner aux employés un certain degré d’autonomie dans la gestion de leurs tâches et de leur temps de travail peut réduire le risque d’épuisement professionnel. La délégation de responsabilité et la flexibilité dans la façon dont les tâches sont accomplies créent un sentiment de contrôle, notamment le stress.
– Prévenir le surmenage
Le surmenage est un facteur majeur de burnout. Il est essentiel de promouvoir un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle en encourageant les pauses régulières, les congés payés et le respect des horaires de travail raisonnables.
3. Pour terminer un début de réponses à 5 questions cruciales sur ce sujet
Question 1 : Comment pouvons-nous repenser les normes de productivité au sein des organisations pour les rendre plus flexibles et en phase avec les besoins individuels, tout en maintenant la performance et la satisfaction au travail ?
Repenser les normes de productivité implique de reconnaître que la performance ne doit pas se faire au détriment de la santé mentale des employés. Cela peut passer par l’instauration de plages horaires flexibles, la réduction de la pression sur les délais et la promotion d’une culture du travail axée sur les résultats plutôt que sur la présence physique.
Question 2 : Quelles sont les pratiques de leadership innovantes qui créent un environnement de travail où la communication ouverte, la confiance et le soutien mutuel sont la norme, plutôt que l’exception ?
Les pratiques de leadership innovantes cohérentes pour favoriser un environnement de travail basé sur la confiance. Cela peut être réalisé en encourageant la communication ouverte à tous les niveaux de l’organisation, en offrant un soutien actif aux employés en détresse, et en reconnaissant publiquement les contributions de chacun.
Question 3 : Comment les technologies numériques peuvent-elles être utilisées de manière créative pour surveiller et prévenir le burnout, tout en préservant la vie privée des employés ?
Les technologies numériques peuvent être utilisées pour surveiller les signes précoces de burnout, mais cela doit être fait de manière éthique et en respectant la vie privée des employés.
Des applications de suivi du bien-être, des chatbots de soutien émotionnel et des questionnaires anonymes peuvent fournir des informations précieuses pour la prévention du burn-out.
Question 4 : Comment pouvons-nous intégrer la formation en gestion du stress, la pleine conscience et d’autres techniques de bien-être dans la culture de l’entreprise, de manière à ce qu’elles deviennent des compétences essentielles pour tous les employés ?
L’intégration de la formation en gestion du stress et de la pleine conscience dans la culture de l’entreprise nécessite un engagement de la direction. Il s’agit de rendre ces compétences accessibles à tous les employés, de les encourager à les pratiquer régulièrement et de les intégrer dans les processus de développement professionnel.
Question 5 : Comment mobiliser les employés, les dirigeants et les partis pour créer une vision partagée d’une culture de travail saine et épanouissante, et quels sont les leviers créatifs pour susciter un engagement réel envers cette vision ?
La création d’une culture de travail saine nécessite un engagement de tous. Des séances de brainstorming, des ateliers de co-création et la diffusion d’exemples de réussite peuvent susciter l’engagement envers cette vision. Les dirigeants jouent un rôle clé en montrant l’exemple et en investissant dans des initiatives de bien-être.
4. En résumé
La transformation des cultures de travail toxiques pour prévenir le burnout est un défi complexe mais crucial. En identifiant les facteurs de risque, en promouvant une communication ouverte, en améliorant la reconnaissance et en favorisant l’autonomie, les organisations peuvent contribuer à créer un environnement de travail plus sain et à prévenir le burnout de manière proactive. En répondant aux questions cruciales, nous sommes guidés vers des solutions créatives pour un avenir professionnel plus épanouissant.