Se sentir fraudeur au travail : Plongée dans le Syndrome de l’Imposteur

par | Oct 8, 2023

1. Introduction

Récemment, en consultation, nombre de mes clients, qui viennent pour des problématiques de souffrance au travail, pour du coaching ou pour un bilan de compétences, m’évoquent avec une fréquence croissante leur syndrome de l’imposteur. Devant cette recrudescence, j’ai approfondi ma réflexion sur ce phénomène, certes pas nouveau, mais qui semble gagner en intensité. J’ai donc adapté mes accompagnements pour y inclure, selon les besoins, une ou plusieurs séances centrées spécifiquement sur cette thématique. De plus, une offre spéciale sur cette problématique verra bientôt le jour, offrant à chacun la possibilité de surmonter ce syndrome de l’imposteur.

Mais pourquoi ce sujet est-il si récurrent au sein de ma patientèle actuelle ? Se passe-t-il quelque chose de particulier dans les organisations où ces personnes évoluent ?

J’ai souhaité partager quelques réflexions à ce sujet, car bien que la littérature sur le syndrome de l’imposteur soit déjà abondante, les études montrent que près de 70% des travailleurs ont déjà ressenti ce sentiment au moins une fois dans leur carrière.

2. Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur ? De quoi s’agit-il ?

Le syndrome de l’imposteur fut mis en lumière pour la première fois par Pauline Rose CLANCE et Suzanne IMES en 1978 aux États-Unis. Il désigne une situation où, malgré des preuves concrètes de réussite et de succès, l’individu concerné éprouve un malaise persistant, doutant de sa propre légitimité, de ses compétences. En somme, il s’agit de la sensation de jouer un rôle, de feindre une compétence ou un talent que l’on croit ne pas posséder pleinement.

Les travaux de P-R. CLANCE et S. IMES ont dégagé trois caractéristiques majeures de ce syndrome :

  1. Une conviction que les compétences sont surévaluées par les autres.
  2. Une crainte constante d’être démasqué et exposé en tant qu' »imposteur ».
  3. Une propension à attribuer ses succès à des éléments extérieurs, tels que la chance ou le simple fruit d’un travail assidu.

Il est essentiel de noter que le syndrome de l’imposteur n’est pas une maladie mentale. En réalité, tant de personnes l’éprouvent à différents moments de leur existence qu’il pourrait presque être considéré comme une expérience humaine courante. D’ailleurs, les chercheuses ont suggéré qu’il serait plus approprié de parler de « sentiment d’imposture » ou « d’expérience d’imposture » plutôt que de « syndrome ». Il s’agit davantage d’une barrière à l’expression de son véritable potentiel ou un obstacle au bien-être qu’une véritable maladie.

Le syndrome de l’imposteur est un syndrome peu connu, parfois même peu reconnu. Les personnes qui le manifestent ont plutôt tendance à le dissimuler qu’à le partager et il arrive souvent qu’il soit confondu avec une faible estime de soi, un haut degré de perfectionnisme ou une faible confiance en soi. Il y a de ça, mais pas seulement !

Ce sentiment peut toucher aussi bien les hommes que les femmes, sans distinction. Il est souvent observé chez des individus ayant connu un succès manifeste ou ayant des talents reconnus. Pour illustrer cela, de grandes personnalités telles que Michelle Obama et Albert Einstein ont, par le passé, exprimé avoir ressenti cette forme de doute intérieur. Ce sentiment transcende les classes sociales et les sphères professionnelles.

Jetons un œil à quelques statistiques :

  • – 70% des individus, à un moment donné de leur vie, doutent de la légitimité de leur position ou statut.
  • – 20% de la population exprime de manière plus accentuée ce syndrome.
  • – 50% représente la répartition égale entre hommes et femmes qui ressentent ce sentiment, témoignant ainsi d’une parité dans son expression.

Et vous, où vous situez-vous face à cette problématique ? Si la question vous taraude, je vous propose de réaliser cette évaluation gratuite : test syndrome imposteur 

3. Quels sont les éléments déclencheurs du syndrome de l’imposteur ?

Le syndrome de l’imposteur est un phénomène psychologique complexe, souvent enraciné dans des expériences personnelles et influencé par divers facteurs contextuels. Il implique un doute persistant des réalisations propres et une peur d’être exposé comme une « fraude ». Souvent, ce sentiment peut naître de messages contradictoires reçus durant l’enfance et de la gestion des attentes, parfois démesurées, des figures parentales ou tuteurs. Par exemple une de mes clientes est fille unique et ses 2 parents sont chacun dans leur domaine des sommités mondiales, sa mère à été la première femme à rentrer à polytechnique. Son père lui disait « être 2ème c’est être le premier des derniers ». Cela en dit long sur la pression que ma cliente s’est mise pour être à la hauteur des attentes de ses parents.

Un autre de mes clients lui est le seul de sa famille à avoir fait des études supérieures et du coup il a toujours le sentiment de ne pas être à sa place malgré sa brillante carrière, il est habité par le sentiment que ses pairs un jour vont découvrir qu’il ne provient pas du même milieu social qu’eux et que donc c’est un imposteur.

Ou encore une jeune cliente qui minimise toujours ses réalisations. Pour elle « c’est normal » elle a tellement travaillé que le résultat ne peut être qu’au rendez-vous et surtout cela ne signifie pas pour elle qu’elle maitrise les compétences demandées.

 Dans le contexte professionnel, les individus naviguant dans de nouveaux rôles ou environnements organisationnels peuvent également avoir des doutes. Par exemple, une promotion, un changement de métier peuvent parfois générer cette expérience d’imposture. Les environnements qui sont très performants ou qui placent une pression intense sur le succès peuvent de même amplifier ces sentiments d’imposteur.

D’un point de vue personnel, les caractéristiques de personnalité telles que le perfectionnisme et un manque sous-jacent de confiance en soi ou d’estime de soi sont souvent étroitement liés au développement du syndrome de l’imposteur. Des expériences d’échec ou de critique dans le passé, même si elles ne sont pas actuelles ou pertinentes, peuvent parfois hanter une personne et alimenter le syndrome de l’imposteur. Pour d’autres personnes, des réussites passées peuvent également être un déclencheur, surtout si elles craignent de ne pas être en mesure de maintenir ou de répéter ces succès à l’avenir.

 C’est un ensemble d’éléments interconnectés qui contribuent à ce syndrome complexe, qui peut être atténué ou géré avec l’intervention appropriée d’un psychologue du travail. Si ces sentiments sont familiers, il est essentiel de rechercher un soutien adéquat.

4. Quels sont les facteurs d’intensification du syndrome de l’imposteur ?

Le sentiment d’isolement professionnel engendré par le télétravail est indéniablement l’une des principales raisons de ce mal-être. Les moments spontanés d’échanges près de la machine à café, ces petites discussions impromptues lors des pauses déjeuner qui offriraient souvent des opportunités de retours positifs et d’encouragements, nous font défaut aujourd’hui. Dans la dynamique du bureau, un simple sourire, une tape amicale dans le dos ou une conversation informelle suffisaient parfois à célébrer nos petites victoires quotidiennes. Mais à distance, ces marques de reconnaissance deviennent plus rares, laissant les employés en quête d’une valorisation qu’ils avaient auparavant.

 Ajoutons à cela l’ère des médias sociaux et des plateformes professionnelles, à l’instar de LinkedIn. Ces plateformes, bien que bénéfiques à bien des égards, présentent souvent une version idéalisée des réussites, occultant les défis et les échecs. Privés d’interactions en face à face, nombreux sont ceux qui se comparent inévitablement à ces succès apparents, accentuant le sentiment d’être un imposteur.

 Mais il n’y a pas que le télétravail et les médias sociaux qui sont en cause. Les périodes d’incertitude économique, omniprésentes dans notre ère, exacerbent la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas mériter sa place ou, pire, de perdre son emploi.

 La culture de la performance dans laquelle le nombre d’entreprises baignent ajoute une couche de pression. Une pression qui valorise l’excellence à tout prix et qui, paradoxalement, peut amener certains à questionner leurs réalisations, même face à des preuves concrètes de leurs compétences.

 Par ailleurs, la cadence effrénée de l’évolution technologique et particulièrement avec l’IA rend difficile le sentiment de rester à jour. Ce rythme, pour certains, renforce l’idée qu’ils sont toujours un pas derrière, qu’ils ne maîtrisent jamais vraiment les derniers outils ou innovations, voir même leur métier.

 Enfin, la multiplicité des rôles assumés par de nombreux professionnels peut aussi être déstabilisante. Jongler entre différents postes et assumer le risque de se sentir incompétent, de douter de sa capacité à bien faire dans chaque domaine.

5. Pour conclure

Pour contrer ces sentiments, il est essentiel de renforcer la confiance en soi, de chercher des retours constructifs, et de comprendre que l’apprentissage et le développement sont des processus continus. Il est aussi bénéfique de se rappeler que le doute et la remise en question peuvent être des atouts, s’ils sont utilisés comme des leviers pour la croissance et non comme des barrières.

 Pour lutter contre l’intensification de ce syndrome au sein des organisations, il est essentiel de mettre en place des mécanismes de communication réguliers, de valorisation des employés et de feedback constructif. Il est également bénéfique de promouvoir une culture d’entreprise qui valorise le bien-être mental et offre des ressources pour gérer ces sentiments d’imposture.

Pour aller plus loin

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